Focus – Clips et animation – Partie 1 – Musique instrumentale

La rentrée et l’enfance… Angoisses pour les uns, délivrance pour les autres. Une forme de renaissance, de redémarrage. Au delà des histoires de cour d’école, rappelez-vous le premier mercredi matin après cette rentrée…

Oui, les dessins animés reprenaient aussi, notre imaginaire enfantin était alors prêt à se gaver d’histoires et d’images. Pour les plus acharnés, des liens allaient continuer à se tisser virtuellement (Goku fait partie de la famille maintenant !). Mais les émotions ressenties étaient, elles, bien réelles.

L’occasion est donc plutôt belle pour parler d’une forme d’habillage que j’apprécie particulièrement, l’animation. Une solution différente, abordable, créative, émotionnelle, sans pour autant occulter son objet, la musique… Bon ok, il y a des exceptions où la création visuelle supplante totalement le son, au point de le faire oublier.

C’est pour ça que sensibilités mélodiques prend le problème à bras le corps en proposant une légère sélection de clips tentant d’allier qualité sonore et créativité graphique.

Première partie, les clips d’animation uniquement instrumentaux, sans paroles.

IDM (Intelligent Dance Music)


Un style électronique complexe, cosmique, fou et spirituel, voilà qui se prête théoriquement parfaitement à l’animation.
En effet, il suffit d’écouter un album d’Aphex Twin rien qu’avec les visualisations graphiques du bon vieux Windows Media Player pour être transporter et s’en persuader.

D’ailleurs, commençons avec le pape mystique de l’IDM. Monsieur AFX sait choisir ses collaborateurs, il y accorde sans doute avec le même soin qu’à sa production.
Marcin Slawek signe un clip en 3D d’une précision diabolique, aucun élément ne déborde, chacun à un rôle, une place et suivent parfaitement la musique dantesque d’AFX. Artistiquement, il colle tout à fait à l’ambiance robotique et insectoïde du producteur, faite de synthés, de breaks, de percussions, de bugs, de montées, d’accalmies. Un véritable chef d’oeuvre. 
Troublant, mais bluffant, sans doute un des plus beau clips qu’il m’ait été donné d’admirer.

 

Continuons avec Chris Clark, autre génie dignitaire de Warp Records, et sa track Herr Barr, merveilleusement produite, contrastant magnifiquement douceur mélodique (cette boîte à musique…) et violence rythmique.
Un tel bijou ne pouvait que servir l’inspiration du réalisateur Dimitri Stankowicz, jouant sur les rythmes pour raconter cette très belle histoire de voisinage en animation 2D. Une chorégraphie de tuyeaux et de mécaniques des fluides sur fond d’anthropomorphisme artistique. Très beau !

 

Autre tenant de cette école exigeante de l’Electronica, Plaid. Groupe exceptionnel, ils ont signé la B.O. d’Amer Béton, un joyau de la Japanimation. Leurs clips ont aussi bénéficié de belles oeuvres d’animation visuelle.
Voici le somptueux morceau Eyen, où Jean Luc Chansay habille guitares et synthétiseurs progressifs d’une animation faite de dessins statiques en noir et blanc et même de 3D pour animer une usine mécanique inquiétante.

 

En bonus, on poursuit avec Plaid, qui avait signé un album en collaboration avec Bob Jaroc. Chaque chanson avait fait l’objet d’une expérience visuelle.
La plus aboutie et travaillée, The Return of Super Barrio, un véritable dessin animé de 10 minutes sur fond de lutte populaire et de Lucha Libre.
Et enfin, ultime bonus, pour les plus endurants, l’expérience 3D de Venetian SnaresSzamár Madár, suivant son rythme délirant et nous délivrant un moment « clin d’oeil » mythique…     

Rock


Changeons littéralement de cap avec de la musique plus acoustique, mais toujours inspirée.
Voici une petite pépite venue d’Espagne, Corto Circuito en la Selva. C’est stylisé, ça joue sur le rythme, les couleurs, les sonorités, les formes…
Artistiquement, le visuel est très réussi et accompagne parfaitement la musique des Pelo MONO. Le son de ces gars de Grenade est une espèce de Blues tribal dopé au Surf Rock. Le roi de la jungle a en effet mis les doigts dans la prise !

 

Dans un genre plus simple, plus scolaire, il y a Lemon Jelly. Plus scolaire car avec ’79 aka The Shouty Track, retour dans les cahiers brouillons et les agendas avec une animation à l’ancienne d’un bel effet. Quelques poncifs du fan rockeur bourré en concert ornent les dessins défilant au gré des pages, c’est bien fait et plutôt drôle.  

 

 Hip Hop instrumental et expérimental


La vague de producteurs émancipés des Mc’s grandit constamment. L’expérimentation musicale est plus poussée, la liberté de composition aussi. Il est donc naturel de voir quelques artistes de l’animation illustrer ces productions. Et leurs recherches esthétiques sont souvent curieuses et inattendues.  Blockhead, en 2010, sort l’album The Music Scene. Le titre éponyme est un morceau ésotérique, très planant. Il se retrouve entre les mains d’Anthony F. Schepperd qui va créer une animation complètement psychédélique, ultra colorée et totalement en phase avec les soubresauts sonores du morceau. Un gros et beau succès.   

Dans la même veine, Zodiac Shit, le clip du gourou de Brainfeeder, Flying Lotus. Adult Swim a demandé à Lilfuchs de faire un petit quelque chose pour ce son. Et nous voilà au coeur d’une visite psyché d’un zoo de l’horoscope chinois, avec un morphing très réussi.   

Mais Fly Lo peut aussi être beaucoup plus abstrait musicalement parlant. Encore une fois son clip est en 2D animée, encore une fois c’est plutôt arty et bizarre, mais cette fois c’est beaucoup plus électronique et robotique.
Le son est touffu, encombré, le visuel repose donc sur l’amoncellement mécanique, le grossissement métallique. La ville finit par se faire engouffrer par sa technologie auto engendrée au moment où le son se calme et devient plus audible… Intéressant.
   

Dans un registre plus sombre, il y en a un qui semble avoir beaucoup d’accointances avec l’animation et le graphisme. Monsieur Lorn nous sert des sons merveilleusement anxiogènes. Ses clips suivent…  Premier acte, deux oeuvres en pixel art, à l’inspiration jeux vidéo 8 bits, animées par Max Friedrich. Deux claques monumentales… 
Weigh me down, c’est une production ténébreuse et nerveuse. Voix lancinantes plaintives, nappes inquiétantes, rythmique rageuse, Lorn nous plonge dans son univers avec perte et fracas.
L’animation aussi… Une sorte d’infiltration d’un abattoir informe, au flux ininterrompue, finissant par transformer le protagoniste en un monstre taurin vengeur.
L’animation coïncide parfaitement avec la musique et son rythme, la direction artistique aussi (quelques influences jeux vidéos ? Ico ? Sword and Sorcery ?). Chapeau aux deux artistes.
  Dans un registre proche, les deux compères ont collaboré pour Diamond. Plus tristes et mélancoliques, leurs travaux se complètent une nouvelle fois à merveille.
Une fuite en avant, une poursuite, une chute inéluctable, la mise en image de la musique est pleine d’à-propos, et encore une fois, l’animation fait parfaitement écho à la production léchée de Lorn.
    

Dans un style plus trash, plus porté sur le corps humain, on notera les deux clips hommage à la dissection que sont Ghosst(s) (hyper sombre et noire) et Until There Is No End (plus enlevé). Ce dernier clip est un jolie travail de perspectives et de déconstruction du corps. À voir donc !    

Retour vers l’Electronica… jusqu’au Dubstep


Oui, la musique électronique est faîte pour être imagée avec de l’animation. Pour conclure cette première partie, un retour sur certaines productions s’imposait.  Tout d’abord, augmentons sensiblement le rythme musical, intéressons nous à ce style si étrange, si british et si jouissif qu’est la Juke. 
Commençons avec un remix qui appuie mon propos, Eyesdown, initialement produite par BonoboMachine Drum transforme complètement cette chanson pour en faire une bombe à retardement prête à exploser, pleine de stress, de contretemps, de kicks.
Et forcément le clip tranche totalement aussi. Oubliez le côté contemplatif ou nature chères à Bonobo, place à une vision transhumaniste complètement psychédélique de la création avec I.A. aux commandes.
Ah la drogue, ça n’aide pas toujours à être compris artistiquement… Blague à part, musique et animation forme une oeuvre artistique agréable et différente, très sympathique à regarder et à écouter.

Prolongeons à ce rythme effréné avec Kuedo, producteur Juke un peu à part. Il y a juste à écouter Ascension Phase pour s’en rendre compte. Quand au clip, Konx-om-Pax et Sabrina Ratté propose une animation 3D rétro futuriste contemplative très étrange…

Plongeons maintenant dans une Bass Music plus calme, plus « classique ». Enfin, quand on écoute le son plein de couleurs de Slugabed, il y a de quoi s’interroger sur le côté calme. Mais coloré, le clip 3D de Quantum Leap l’est assurément. Cosmique et spatial aussi d’ailleurs.

Mais pour prouver que la Bass Music peut aussi être calme et posée, voilà ce qui semble être du Dubstep un peu « à l’ancienne » avec Goth Trad.
Sur Cut End, les basses profondes s’enchaînent pour accompagner des mélodies au koto ou à l’accordéon. Original et classe.
Son clip est un beau coup de coeur pour ma part. Le japonais s’est entouré de Diagram Design pour animer une pêche traditionnelle tumultueuse aux accents fantastiques. Le style tout en 2D fait de dessins en noir et blanc fait mouche et se coordonne parfaitement avec les basses. Vraiment à voir, la patte artistique ne vous laissera pas insensible.
  

Finissons cette première partie consacrée à l’animation avec le Dubstep. Une musique tellement centrée sur la basse et ses variations ne peut que se marier avec l’animation. Le clip Dinosaurs de 16bit cultive la coordination visuelle et sonore. L’animation suit en effet nerveusement (et artistiquement) les variations rythmiques et les basses. L’imagerie est au moins aussi puissante que l’ensemble de cette production brutale et animale. Fans de Jurassic Park et de basses profondes, régalez-vous !  

Au contraire, au niveau visuel et artistique, Noisia m’a un peu déçu. Cette virée en avion de combat tout en 3D manque de pep’s et de créativité.
Mais la qualité musicale emporte le tout, les basses assomment et motivent en même temps, le rythme est totalement maîtrisé bien que plutôt chaotique, du coup on se laisse aller à repenser à la bravoure de l’aviateur, ou à l’épique Starwing (inspiration et hommage ?)…
  

Bien qu’une musique de technicien amène bien souvent une animation portée sur la technique, comme avec Dinosaurs, rien n’empêche de se laisser aller à un léger nuage de narration. Raconter une histoire emplie de dérision sur le milieu haineux du Dubstep était plutôt bien vue de la part de SKisM. Son clip Experts met en scène le spécialiste à tendance Troll obsessionnel qui pourrit un peu l’ambiance sur le net.
Certes, la partie animée mettant en scène les producteurs les plus connus de ce courant ne commence qu’après la moitié du clip, mais quel bonheur de les voir avec une farouche volonté vengeresse d’en découdre. Plutôt drôle au final… (Drumstep ou Dubstep au fait…?)
   

Pour finir, un peu d’amour envers nos amis les bêtes. Forcément, quand Delta Heavy montre dans son clip Hold Me, animé avec talent par Kristofer Ström, toute la tendresse portée par une petite fille à son chat tout mignon, on ne peut qu’être touché.
Bon, le fait de tenter de lui redonner vie après l’avoir déterrer peut certes ne pas être interprété comme de la tendresse.
  Mais quand les mouvements collent aussi bien aux basses tranchantes de Delta Heavy, que les dessins sont réussis et que le son s’emballe autant, je me dis que oui, sous le coup d’une colère noire, faire revenir son chat d’entre les morts pour qu’il jette des lasers avec les yeux, c’est une belle preuve d’amour.  

Conclusion


Voilà la preuve, en un certain nombre d’exemple je le concède, que quand le morceau est bon, la belle animation n’occulte pas forcément la mémoire sonore, au contraire.

De toute façon, rendez-vous la semaine prochaine pour appuyer mon propos et vous présenter quelques clips d’animations avec, cette fois-ci, des paroles, des lyrics, des chanteurs, des rappeurs etc…

To Be Continued…

Anthracite

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